Sens, art et communauté – Examen de la pratique du Native Youth Program (programme des jeunes Autochtones)

Damara Jacobs-Petersen

2023 Native Youth Program participant in the Haida House.

Participants au Native Youth Program 2023 dans la Maison haïda. De gauche à droite : Damara Jacobs-Petersen, Squamish; William George, Lake Babine Nation (16 ans); Hailee Stogan, Musqueam (18 ans); Sienna Mathison, Musqueam (14 ans); Anyili Schwab-Ortez, White Earth Anishinaabe et Latina (14 ans); Amai Campbell-Kamangirria, Musqueam et Zimbabwéenne (16 ans); Seneca Kozar, Première Nation Hwlitsum (15 ans). Photo – Maria-Jose Araujo (2023).

Avant de parler de mes enseignements, il est impératif que je me présente correctement. Ensuite, nous entrerons dans le vif du sujet. Je m’appelle Damara Jacobs-Petersen, et mes noms ancestraux sont Siyamiya et Cha7awtenaat. Je suis fière d’être membre inscrite de la Nation Skwxú7mesh (Squamish), et je participe à la vie de ma communauté, où je vis. J’ai également des ancêtres Snuneymuxw (Nanaimo) et afro-américains. Je suis née et j’ai grandi dans les villages de Xwemelch’stn et Esla7han (réserves indiennes Capilano et Mission), qui se trouvent à Vancouver, en Colombie-Britannique. J’ai grandi entourée d’éducateurs et d’artistes, un aspect de mon identité qui m’a conduite à choisir une carrière dans des domaines créateurs. Je me réjouis de gagner ma vie actuellement en travaillant dans un musée. Une grande partie de ce travail consiste à mobiliser les jeunes Autochtones car je suis la directrice du Native Youth Program (NYP).

Le programme a été lancé en 1979 avec une vision qui continue d’être au cœur de sa mission aujourd’hui – faire participer les jeunes Autochtones à des expériences significatives d’apprentissage du travail au Museum of Anthropology (MOA) de l’Université de la Colombie-Britannique (UBC). Ces expériences importantes doivent englober les expériences vécues de l’étudiant afin d’accroître sa confiance personnelle, son savoir et ses compétences culturelles. Le Programme fait découvrir aux élèves des établissements artistiques et culturels, et offre un apprentissage et des responsabilités en milieu de travail. Je suis honorée d’être le témoin de leur croissance et de l’enthousiasme dont font preuve les étudiants lorsqu’ils deviennent des leaders.

Le processus de candidature donne la possibilité aux étudiants d’établir des liens personnels, d’une manière qui leur convient. Cela inclut l’envoi d’une lettre où ils me disent pourquoi ils souhaitent participer au programme. On leur demande également d’exécuter une des tâches exigées, qui consiste à visiter un musée ou à écrire un essai sur une question autochtone importante pour eux. Les candidats neurodivergents peuvent choisir d’exécuter cette tâche sous un autre format tel qu’une vidéo ou une œuvre d’art (on a eu entre autres exemples un poème et une photographie). Le dossier de candidature est conçu pour les guider à travers ce processus avec des instructions détaillées, des exemples et des suggestions. Je réalise également une entrevue avec les candidats, ce qui est excellent pour enseigner des compétences professionnelles.

Cette année, le NYP a connu sa 44e cohorte, laquelle comprenait neuf élèves du secondaire représentant treize nations et communautés de l’ensemble du Canada, du Zimbabwe et de l’Allemagne, entre autres. Trois jeunes venaient de xʷməθkʷəy̓əm (Musqueam), dont la terre de réserve est la plus proche du campus Point Grey de l’Université de la Colombie-Britannique, où se trouve le musée. L’accent est mis sur le recrutement d’étudiants des nations hôtes locales [xʷməθkʷəy̓əm (Musqueam), Sḵwx̱wú7mesh (Squamish), et səlilwətaɬ (Tsleil-Waututh)], mais le programme est ouvert à tous les jeunes qui se considèrent comme autochtones et vivent dans la région métropolitaine de Vancouver.

Les jeunes stagiaires autochtones se voient offrir diverses possibilités de faire des recherches sur leur propre culture, ou d’autres cultures, dans la collection du MOA, et en participant à des excursions éducatives, des projets et des ateliers. Ils en apprennent également davantage sur la communauté de l’UBC dans son ensemble. L’important est qu’un fil conducteur d’apprentissage et d’expression artistiques est tissé dans la plupart des activités du programme.

Le NYP exige un engagement à temps plein. On se réunit du lundi au vendredi pendant deux mois de l’été, et les étudiants partagent leurs nouvelles connaissances avec d’autres jeunes et des visiteurs du musée au moyen de visites guidées et d’exposés. Ils sont rémunérés pour ce travail, et leur énergie et leur capacité profitent substantiellement au musée, et nous espérons que grâce au soutien et à une expérience positive ils en profiteront en retour.

L’accent est mis sur l’apprentissage communautaire, qui s’ajoute à la pratique artistique présente à travers le programme. Les cohortes de 2021 et 2022 se sont focalisées sur des possibilités d’apprentissage intergénérationnel avec de jeunes enfants, et ont travaillé avec les nations hôtes dans les camps d’été. Le NYP a offert des visites et créé un cahier d’activités avec de l’espace pour des dessins. Cela a permis aux participants du NYP de partager leur programme de travail avec plus de cent enfants autochtones de huit à douze ans.

L’exposition de 2014 au MOA intitulée Claiming Space: Voices of Urban Aboriginal Youth, organisée par Pam Brown, ancienne directrice du programme, occupe toujours une place particulière dans la mémoire de l’établissement. L’exposition explorait les divers moyens dont les jeunes Autochtones affirment leur identité, et leur relation avec tant les espaces urbains que leurs territoires ancestraux. Sans filtre et sans se justifier, plus de 20 jeunes artistes du Canada, des États-Unis et d’ailleurs dans le monde définissent ce que signifie vraiment d’être un jeune Autochtone urbain. Ce faisant, ils remettent en question des siècles de stéréotypes et de politiques assimilatrices. Cette exposition faisait comprendre aux visiteurs que la jeunesse autochtone urbaine d’aujourd’hui est non seulement pleinement consciente de l’impact continu de la colonisation, mais participent également de façon créative à des mouvements de décolonisation à travers les nouveaux médias, le cinéma, la mode, la photographie, la peinture, le spectacle, la création littéraire et les formes d’art traditionnelles. Le contenu de cette exposition est tout aussi pertinent aujourd’hui qu’il y a dix ans.

The 2022 cohort of the Native Youth Program at MOA with journalist/musician Nardwaur,

La cohorte 2022 du Native Youth Program de MOA avec le journaliste/musicien Nardwaur, après une journée d’apprendre comment créer des balados à la station de radio du campus de l’University of British Columbia. Photo – Damara Jacobs-Petersen, gracieuseté du Museum of Anthropology à l’University of British Columbia.

La cohorte du NYP de 2014 offrait des visites quotidiennes de l’exposition Claiming Space, et de telles visites guidées ont encore lieu aujourd’hui. C’est une composante essentielle du programme, et, élaborant les textes de ces visites, les étudiants font entendre leur voix. La capacité de se tenir debout, et de dire qui l’on est et d’où l’on vient, est un formidable accomplissement pour les adolescents.

Les jeunes peuvent également mieux comprendre comment exprimer leur identité en travaillant avec des artistes et des détenteurs de savoir autochtones. Les cohortes de 2021 et 2022 ont participé à deux ateliers d’art virtuel pour un projet collaboratif avec le Ghost Net Collective qui portait sur les problèmes auxquels sont confrontées les communautés côtières, et sur notre responsabilité partagée de conservation de l’océan. Les raies, petite sculpture tissée créée par le NYP, figurent dans une œuvre d’art publique dans l’Exchange Square de Barangaroo, à Sydney (Australie). L’œuvre complexe du Ghost Net Collective a été créée par un groupe d’artistes autochtones et non autochtones de Cairn, Townsville et Erub, sur le détroit de Torres. L’installation permanente est intitulée Mermer Waiskeder: Stories of the Moving Tide et est une des plus grandes œuvres artisanales publiques d’Australie. Plus récemment, la cohorte du NYP de 2023 a utilisé l’Aboriginal Gathering Place (AGP) de l’Université d’art et de design Emily-Carr pour développer et consolider leurs identités par la création d’œuvres d’art dans un milieu sûr favorable. La conception de l’espace physique est importante et cohérente pour les philosophies et les valeurs autochtones. Les jeunes ont exploré leur propre contexte culturel et l’ont appliqué à la conception de leurs projets. Parmi les résultats tangibles ont figuré un éventail de divers d’objets créés à partir de matériaux traditionnels et contemporains : tambours, hochets, films, perles, musique et sons, peinture, photographie et gravure. Le NYP a pu se concentrer sur l’élaboration, la promotion et la perpétuation de pratiques matérielles culturelles et de compétences techniques.

Entre-temps, des cohortes passées ont également eu la possibilité d’explorer leur identité et leur culture sans quitter le campus de l’UBC. En 2021, le NYP a créé des œuvres parlées exceptionnelles portant sur des récits d’origine personnels, qui ont été diffusés sur la station de radio du campus, CiTR, avec une musique originale de l’ancienne du NYP Mackenzie Fong. La pièce, intitulée Where We Begin: A Collection of Origin Stories, s’est mérité le prix du meilleur documentaire audio de l’Association nationale des radios étudiantes et communautaires.

Ce projet a permis à des étudiants d’acquérir de précieuses compétences : recherche et évaluation de sources, rédaction de textes, baladodiffusion, cinéma, gestion des médias sociaux, art visuel et art oratoire.

The 2023 cohort of Native Youth Program on a visit to Musqueam with Musqueam Elder Larry Grant.

La cohorte 2023 du Programme pour les jeunes Autochtones en visite à Musqueam avec l’aîné de Musqueam, Larry Grant. Photo – Damara Jacobs-Petersen, gracieuseté du Museum of Anthropology à l’University of British Columbia.

La pratique artistique fournit aux participants au programme de l’espace pour explorer leurs récits personnels et leurs modes de vie culturels. Ils découvrent ainsi, comme nous le pouvons tous, ce qui les rend spéciaux, mais également ce qui fait de nous une communauté. Mon objectif personnel en tant que directrice de programme est de transformer les espaces où je travaille en milieux d’apprentissage interactif où la production de connaissances créatives et l’apprentissage transformateur deviennent possibles, habilitant les jeunes sous ma responsabilité à se voir tels qu’ils sont, et à découvrir à qui ils sont reliés, ce qu’ils peuvent offrir et ce qu’ils méritent de ressentir en retour.

Damara Jacobs-Petersen est responsable de la conception, de la mise en œuvre et de l’évaluation collaborative de programmes pédagogiques et publics qui établissent un pont entre les communautés autochtones et les publics divers du Museum of Anthropology (MOA). Damara est la conservatrice de l’engagement autochtone, et également la directrice du Native Youth Program, le programme de travail-apprentissage le plus ancien pour les jeunes Autochtones.

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