La décolonisation de l’éducation muséale

Tania Muir

First Peoples House, University of Victoria.

First Peoples House, University of Victoria.

Nəc̓əmaat kʷəns čeʔi | Travailler ensembler

Nous sommes plus forts quand nous travaillons ensemble. Des brins de cèdre individuels sont déjà forts, mais ils sont plus forts quand ils sont tressés ensemble.

Étant des institutions coloniales, les universités ont joué un rôle central dans la colonisation des peuples autochtones. De bien des façons, elles continuent de défendre les politiques et les procédés de systèmes coloniaux qui continuent de nuire. Dans les programmes d’études, elles renforcent l’idéologie coloniale qui privilégie les idées et perspectives occidentales à l’exclusion des points de vue et des pratiques de recherche autochtones.

À la lumière de nombreux rapports et études, y compris le rapport de 1972 de la Fraternité des Indiens du Canada, La maîtrise indienne de l’éducation indienne, les établissements d’enseignement sont bien conscients de l’effet des approches coloniales de l’éducation et de la nécessité de mieux faire. Je suis reconnaissante de travailler pour une institution qui est fermement engagée à le faire et qui travaille depuis des années à des programmes novateurs en matière de revitalisation des langues autochtones, de droit autochtone, de travail social et de beaux-arts autochtones.

Cedar Weaving, University of Victoria.

Tissage de cèdres, Université de Victoria.

Voulant établir clairement la voie à suivre, l’Université de Victoria (UVic), de concert avec des aînés, des gardiens du savoir et des membres des communautés autochtones, a élaboré son premier plan stratégique autochtone, publié en 2017. Le cèdre, qui est sacré pour les Nations côtières, était au cœur des discussions et de la réflexion sur le travail qui attend l’UVic dans la décolonisation de l’éducation postsecondaire. Tresser le cèdre est toujours une activité utile, réunissant des brins pour créer quelque chose de fort et durable. Il en va de même pour le plan autochtone, qui marie des enseignements de la terre et des peuples locaux avec les voix de la communauté pour donner un solide cadre de référence au travail à accomplir. Le même principe a présidé à la conception du nouveau programme de l’UVic sur la préservation de la culture autochtone, dans lequel une éducation muséale décolonisée repose sur le mariage des compétences et des connaissances de chefs de file autochtones sur le terrain avec la volonté de participants des secteurs des musées, du patrimoine et de la culture pour assurer un avenir plus équitable et plus durable dans le secteur des musées.

Depuis plus de 30 ans, le programme de gestion des ressources culturelles de l’UVic répond aux besoins de professionnels émergents ou à mi-carrière des secteurs des musées, du patrimoine et de la culture. En tant que complément aux programmes de premier cycle et de cycle supérieur d’études muséales offerts partout au Canada, le programme de gestion des ressources culturelles offre un moyen de perfectionnement professionnel à des candidats géographiquement dispersés, grâce à un enseignement intensif qui est opportun, pertinent et accessible, en ligne et en personne.

Lucy Bell, Cultural Resource Management Program Instructor.

Lucy Bell, instructrice du Programme de gestion des ressources culturelles. Photo — Roberta Aiken/Byrds Eye View Photography.

Lucy Bell Sdahl Ḵ’awaas était parmi les membres fondateurs du Comité de rapatriement haïda, et elle est une éminente diplômée du programme de gestion des ressources culturelles de l’UVic. Elle a souligné l’importance de programmes d’éducation et de formation muséale dirigés par des Autochtones pour développer les connaissances et les compétences voulues afin de décoloniser les pratiques muséales et faire que les musées soient des lieux culturellement sûrs pour les Autochtones. La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) énonce clairement le droit des peuples autochtones de pratiquer leurs traditions culturelles et de les revitaliser et les protéger, ainsi que leurs biens culturels. Une sensibilisation au besoin de changement dans le secteur muséal est clairement affirmée dans divers rapports, y compris dans les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation et le rapport Portés à l’action de l’Association des musées canadiens. Cela étant, il est essentiel que des possibilités d’éducation muséale et de perfectionnement professionnel soient offertes afin de développer les connaissances et les compétences nécessaires pour soutenir un profond changement.

Brandie MacDonald, Cultural Resource Management Program Instructor.

Brandie MacDonald, instructrice du Programme de gestion des ressources culturelles.

À partir de l’été 2022, les responsables du programme de gestion des ressources culturelles ont commencé à travailler à la mise au point d’un micro-certificat qui prioriserait les voix d’universitaires et intervenants culturels autochtones de partout en Amérique du Nord. Ils l’ont fait avec Brandie Macdonald, une citoyenne de la Nation Chickasaw d’ascendance choctaw et écossaise qui est directrice générale et conservatrice en chef du musée d’archéologie et d’anthropologie de l’Université de l’Indiana, et avec Lucy Bell Sdahl Ḵ’awaas, Ph. D (ABD), universitaire de la Nation haïda et membre du clan Tsiits G’itanee Eagle. Le programme de microcertification qui en a résulté, sur le thème de la préservation de la culture autochtone, établit le contexte historique de la relation entre musées et peuples autochtones afin d’aider les participants à comprendre le lien inhérent entre musées et colonisation. Pour les travailleurs émergents autant qu’établis des domaines du patrimoine et de la culture, ainsi que pour les professionnels des musées, les responsables de politiques et les universitaires autochtones participant au programme de micro-certificat, l’expérience a été inestimable. Elle a apporté la possibilité de créer un solide réseau sur le terrain, avec la volonté collective de susciter de véritables changements dans le domaine. Les participants au programme, qui intègre théorie et pratique, ont pu discerner des moyens concrets de mettre en œuvre la DNUDPA dans leurs organisations et de contribuer à la réconciliation. Les responsables du programme de gestion des ressources culturelles de l’UVic sont reconnaissants envers leur première cohorte d’étudiants pour leur courage et leur curiosité, et envers nos instructeurs pour leur dévouement et leur vision. Nous envisageons avec enthousiasme les années à venir, à travailler mieux, ensemble.

Tania Muir est directrice, Langue, arts et culture, dans la Division des études permanentes à l’Université de Victoria (UVic), sur le territoire traditionnel des peuples Lək̓ʷəŋən et W̱SÁNEĆ. Elle cumule plus de 20 ans d’expérience dans des contextes éducatifs tant officiels qu’officieux, y compris comme éducatrice muséale, comme enseignante du primaire au secondaire et dans l’enseignement ainsi que dans la gestion en milieu postsecondaire.

Dans ses fonctions actuelles à l’UVic, Tania est responsable d’un éventail de programmes communautaires et professionnels touchant la revitalisation des langues autochtones, les études interculturelles et la pratique en la matière, les beaux-arts autochtones et la gestion des ressources culturelles.

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