Survol

Le congrès de 2021 de l’Association des musées canadiens était sans précédent, car, comme la plupart des aspects de la vie professionnelle au cours de la dernière année, il a été modifié de façon indélébile par la pandémie.

Le thème était « Aller de l’avant », que l’AMC a défini comme « un appel en faveur d’une plus grande solidarité, connectivité et responsabilité sociale afin de propulser le secteur des musées vers l’avant. »

Dans le sombre contexte de l’époque, où presque tout est en suspens, le thème semblait aussi être une déclaration d’optimisme rafraîchissant et déterminé, un appel à regarder vers l’avenir et au-delà de la fin du tunnel de la COVID19, et la lumière apparente à l’autre extrémité. « De nombreux conférenciers ont parlé des conséquences psychologiques de la pandémie sur le personnel », a déclaré Jack Lohman, dont le mandat à la présidence de l’AMC s’est terminé à l’assemblée générale annuelle de l’Association qui a eu lieu après le congrès.

En nous réunissant, comme le thème le suggérait, nous pourrions nous aider les uns les autres et nous enseigner comment les musées et les professionnels des musées pourraient non seulement affronter la tempête de santé publique, mais peut-être même utiliser cette interruption de la vie quotidienne au travail, cet interrègne entre les périodes de normalité, pour trouver une nouvelle et meilleure normalité.

« Les musées qui sont passés par la fermeture et la réouverture ne devraient pas définir le succès comme un retour à leur situation antérieure », a affirmé Emlyn Koster, le célèbre penseur en muséologie, lors du Symposium des directeurs qui a ouvert le congrès le 2 mai.

Il est ressorti clairement des 40 séances tenues six jours sur près de deux semaines et animées par M. Lohman et Vanda Vitali, directrice générale et chef de la direction de l’AMC, que les professionnels des musées reconnaissent et saisissent les fermetures comme un moment de changement, particulièrement en ce qui a trait aux enjeux longtemps négligés de la diversité et de l’inclusion.

Même si M. Lohman a fait remarquer après le congrès que « tous les conférenciers se rendent compte que les plans pour les deux prochaines années doivent être considérablement revus à la baisse », il a également dit que « l’optimisme était grand pour un secteur qui est sur le point de reprendre ». De nombreux conférenciers ont adopté une vision froide de l’avenir, notant que la pandémie avait suscité un vif désir de réforme et de changement.

« Il y a un sentiment d’iniquité continue au sein du secteur et le risque pour les musées de ne rien faire pour y remédier. Il y a eu de nombreux appels à un changement rapide et des réflexions d’autres secteurs culturels sur la façon dont la collaboration peut stimuler la reprise avec succès », a déclaré M. Lohman.

Les titres de diverses séances ont souligné le désir de mieux intégrer les peuples autochtones et d’autres communautés qui ont toujours été marginalisées dans la pratique muséale et de mieux communiquer avec ces derniers; des titres comme « Un processus de diversité délibérée », et peut-être l’appel le plus direct à l’inclusion : « Une place à la table ».

« Le vent tourne, nous en prenons conscience… J’espère que ce changement se produira », a affirmé Sdahl K’Awaas Lucy Bell, membre fondatrice du Haida Repatriation Committee, lors de la séance intitulée « La vérité radicale comme empathie radicale — Les musées canadiens en mutation ».

Dans la séance intitulée « Concevoir le forum physique », qui portait notamment sur les « méthodes de lutte contre l’ethnocentrisme et le privilège institutionnalisé », Gillian McIntyre, du Musée des beaux-arts de l’Ontario, a déclaré que « l’époque où il était question d’une transmission unidirectionnelle du savoir est révolue ».

De nombreux conférenciers ont parlé de la façon dont l’inclusion des peuples autochtones dans tous les aspects de la muséologie a non seulement permis de corriger un tort historique, mais a aussi profité à la science de la muséologie elle-même partout dans le monde. Richard West, de l’Autry Museum of the American West, a expliqué comment la collaboration avec les Amérindiens a enrichi les connaissances des musées aux États-Unis, et Emmanuel Kasarhérou a expliqué comment l’engagement complet avec les peuples kanaks dans l’archipel du Pacifique Sud de la Nouvelle-Calédonie a mené non seulement au rapatriement de nombreux objets kanaks, mais aussi à l’identification d’objets dans plus d’une centaine de musées situés aussi loin qu’en Europe et en Amérique du Nord.

Au Canada, Anthony Shelton, qui a récemment été nommé fellow de l’AMC, a déclaré qu’une telle inclusion peut changer la muséologie elle-même. « Les négociations avec les peuples autochtones peuvent peut-être transformer la muséologie d’une science de classification de la causalité fondée sur le récit en une science du sentiment dans laquelle nous avons appris à faire partie de l’expression de chaînes complexes d’interactions et d’effets mutants », a dit M. Shelton.

Des conseils pratiques sur la façon de nouer le dialogue avec les peuples autochtones sont disponibles sur le site Web du Museum of New Zealand Te Papa Tongarewa, a affirmé le professeur maori Pare Keiha, qui a qualifié ces principes de communication de « ressources extraordinaires ».

Comme M. Kasarhérou l’a mentionné dans son discours d’ouverture, « le musée est une entité vivante qui doit affronter et assumer son passé, mais aussi prendre sa place dans le présent ».

Une vue à l’intérieur de Te Taiao Nature. Photo — Maarten Holl. Te Papa.

Il y a aussi eu des séances sur la durabilité, un autre domaine où les musées doivent aller au-delà du simple fait d’être de bons citoyens corporatifs ou sociaux et jouer un rôle de guide actif pour relever le défi urgent.

« Les musées d’histoire naturelle, les institutions culturelles et les musées d’art doivent être… « des acteurs clés de l’aspect du cœur et de l’esprit de la durabilité », a affirmé Christopher Hobbs, du musée Bernice Pauahi Bishop à Hawaï.

Il y a eu des séances sur la science, l’éducation et la santé, et de nombreuses séances sur l’évolution inexorable de la technologie numérique dans la pratique quotidienne des musées.

On se souviendra du congrès comme étant entièrement numérique, une nécessité pandémique qui, à sa façon, incarnait le thème « Aller de l’avant », comme en témoigne le nombre de séances qui ont porté sur l’avenir du travail et des possibilités numériques dans les musées. Comme l’a dit Megan Richardson, directrice de Musées numériques Canada : « Maintenant que le numérique a évolué, il ne reculera pas. »

On a demandé aux musées de ne pas tenir pour acquis le rythme du changement numérique. Genelle Quarles Adrien, spécialiste de Facebook et d’Instagram, a déclaré : « Les médias sociaux évoluent rapidement, alors vous devez vous assurer de suivre le rythme. » Et il y a eu des appels à veiller à ce que, à mesure que le numérique continue de se répandre dans les activités et la programmation des musées, cela ne devienne pas un cas de marionnette technologique contrôlant le marionnettiste institutionnel.

« La conception de l’exposition interactive doit être suffisamment captivante pour créer un moment d’émerveillement, mais aussi assez subtile pour s’intégrer à la conception existante tout en étant complémentaire à l’ensemble de l’exposition », a expliqué David Conway, de Moment Factory.

Pour ce qui est du test numérique inattendu qu’était le congrès lui-même, il a présenté des problèmes éparpillés, desquels des leçons ont pu être tirées. Au cours de la première journée complète des séances, un problème de diffusion en continu a presque fait trébucher la prestation de danse sublime de Notorious Cree. Les techniciens, qui ont travaillé sans relâche pour assurer le bon déroulement du congrès, ont finalement triomphé du défi, et Notorious Cree a terminé la journée sur une note lumineuse et palpitante, dans une magnifique tenue cérémonielle, exécutant une danse du cerceau ainsi qu’une courte chanson qu’il a écrite lui-même et jouée sur une flûte traditionnelle.

« C’est un outil que nous utilisons pour transmettre l’enseignement », a-t-il dit à propos de l’instrument, « un outil que nous utilisons pour partager nos histoires les uns avec les autres. »

De la flûte ancienne à la technologie future, le désir de parler, de partager et d’apprendre les uns des autres demeure inchangé, même si les moyens de communication changent. M

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