Aller de l’avant
Les musées et l’action sociale

Vanda Vitali, Ph. D.

Au moment de la publication du présent numéro de Muse, nous nous préparons tous en vue du Congrès national et de l’assemblée générale de l’Association des musées canadiens (AMC). Nous étions impatients de tous vous voir en personne. Néanmoins, conscients des risques pour la santé que pose la pandémie, nos partenaires de Terre-Neuve-et-Labrador ont jugé qu’il valait mieux privilégier la sécurité. C’est pourquoi nous avons opté pour une réunion en ligne, solution qui, tout compte fait, nous permettra de vous offrir un plus large éventail de présentations mettant en lumière des perspectives et des thèmes canadiens et internationaux.

Pour tout le monde, y compris les membres de notre secteur, l’année 2020 a été la plus difficile et déstabilisante que nous ayons connue depuis des dizaines d’années. Notre société, notre économie et toutes nos institutions ont été touchées. Par contre, la pandémie nous a amenés à mieux cibler nos efforts et nous a aidés à comprendre les points forts et les vulnérabilités des musées ainsi que leurs besoins futurs.

Le programme de notre congrès mettra donc l’accent sur deux grands thèmes : 1) les enjeux techniques propres à améliorer l’efficacité de la transition de notre secteur à court et à long terme; 2) le lien qui existe entre les musées et les enjeux sociaux. Le plan d’action et les programmes de l’AMC insisteront sur des questions comme la durabilité environnementale et les musées; les musées et l’équité, la diversité et l’inclusion ainsi que la réconciliation. Vous pouvez vous attendre à ce que l’Association traite ces sujets dans ses publications et ses activités de perfectionnement professionnel ainsi que lors de son congrès de 2021.

Dans le présent numéro, nous parlons du rôle des musées dans la promotion de la durabilité environnementale. Nous souhaitons encourager et inspirer nos collègues à adopter des approches qui permettront à leur institution de participer de façon constructive à l’examen de cet important enjeu social, tant à l’interne qu’à l’externe.

Pour y parvenir, il est impératif de prendre le temps de déterminer les moyens les plus efficaces que les musées peuvent se donner pour s’attaquer à des enjeux environnementaux et à des enjeux sociaux étroitement apparentés bien de notre temps. Je ne dis pas que les musées ne jouent pas un rôle social important et actif, mais il me semble important de reconnaître qu’ils ne constituent pas des instruments efficaces pour l’élaboration de politiques.

Les musées sont des institutions dont les racines remontent à une ère où les circonstances étaient fort différentes. Leur principale tâche consiste à préserver le patrimoine, à le rendre visible et plus facilement accessible ainsi qu’à y associer des récits et des liens permettant d’interpréter ce patrimoine. En préservant des objets et en interprétant leur signification culturelle, les musées font vivre aux visiteurs une expérience intellectuelle et émotionnelle. De plus, ils les aident à mieux comprendre la communauté des expressions et des besoins sociaux et ce que peut représenter et impliquer l’évolution sociale. Une partie de notre incapacité à opérer un changement social est d’ordre structurel. Elle réside dans nos pratiques organisationnelles et la façon dont la société est structurée. Pour modifier la structure sociale, il faut du temps et des efforts soutenus qui concourent à des progrès graduels.

Alors, comment les musées peuvent-ils contribuer le mieux au changement environnemental et social dans le monde d’aujourd’hui?

D’après la recherche en psychologie sociale, les gens changent d’attitude quand ils se trouvent dans un environnement où divers groupes expriment les valeurs et les réflexions qui leur sont propres, dans le cadre d’un dialogue suscitant des liens émotionnels communs et une ouverture aux nouvelles perspectives. En fin de compte, les déclarations et la présentation d’information à elles seules ne permettent guère de changer les attitudes.

La diversité sur tous les plans ne peut qu’être bénéfique pour le personnel et le conseil d’administration des musées. Les projets des musées doivent être conçus et réalisés par des équipes qui offrent des perspectives multiples. Dans la présentation d’enjeux sociaux, leurs conférences et leurs autres forums professionnels doivent aussi comporter un dialogue entre des personnes qui ont des points de vue et des antécédents différents, au lieu de s’en remettre à des communications reflétant une perspective unique. C’est l’intégration de l’expérience physique et émotionnelle avec la démarche intellectuelle qui permet de nouer des liens reposant sur le respect et l’ouverture d’esprit.

L’adoption d’une politique nationale des musées tournée vers l’avenir — qui prend en compte les objectifs et les perspectives de divers groupes — est indispensable pour faire progresser le secteur sur de nombreux fronts, notamment en ce qui concerne la contribution des musées aux changements environnementaux progressifs et à d’autres changements sociaux importants. Tous les musées et les professionnels œuvrant dans le domaine doivent s’efforcer d’adopter cette démarche dans un proche avenir.

Il est essentiel de nourrir une vision du changement qui repose sur un respect mutuel et qui laisse une grande place aux valeurs et aux perspectives de « l’autre ». Il faut des efforts et du temps pour créer et favoriser ce type de relations. Les musées sont des institutions foncièrement respectueuses des cultures. J’estime qu’ils continueront d’évoluer pour devenir des institutions encore plus inclusives qui respecteront nos différences, tout en mettant à l’honneur nos similitudes. M

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