Il faut commencer tôt : Réflexions sur l’avenir de milieux de travail diversifiés

Ozoz Sokoh

La cohorte de 2021 de Native Youth Program au Musée d’anthropologie de l’UBC

Il y a quelques mois, à l’issue d’un parcours très intéressant, j’ai obtenu mon diplôme du programme d’études en gestion muséale et culturelle au Collège Centennial, à Toronto. Au début, j’en savais très peu sur l’histoire et la pratique de ce domaine. L’une des premières tâches qui nous ont été assignées était de visionner la présentation TED de J.V. Maranto, qui retrace l’histoire des musées. Ce court et agréable exposé m’a fait prendre conscience du rôle clé – en partie inexprimé – qu’a joué la muséologie dans mon enfance. Nous avions une armoire vitrée où mes parents conservaient tous leurs souvenirs de voyage. Il me manquait encore à l’époque les connaissances et le vocabulaire pour comprendre la signification de ces étranges objets. Depuis, j’ai évolué. Les ressources et les outils comme cette armoire et ces artéfacts peuvent nous aider à élargir notre perspective à l’égard des personnes de couleur et à élaborer des solutions intégrées et durables à long terme afin de diversifier les lieux à vocation artistique, muséale et culturelle.

Photo — NYC Museum School

De nombreux moyens s’offrent à nous pour remédier au manque de représentation et d’équité au sein des musées et des organismes voués au patrimoine culturel. Il est important d’embaucher des candidats d’horizons variés, mais la réalité est que bien des personnes qui pourraient apporter une excellente contribution au domaine de la muséologie ne sont pas encouragées à envisager de faire carrière dans le domaine. Pour créer un plus vaste bassin de professionnels diversifiés dans le milieu muséal, on doit faire preuve de prévoyance dans notre planification stratégique et d’une grande détermination à passer à l’action.

La voie que j’aimerais explorer commence tôt, bien avant que le cheminement de carrière se précise et que les vieux problèmes découlant du racisme et de la discrimination compliquent ce parcours.

Photo — NYC Museum School

Que se passerait-il si le « recrutement » se faisait beaucoup plus tôt, disons à l’école intermédiaire ou secondaire? Que se passerait-il si, en plus d’employer plus de jeunes, les musées, les organismes voués au patrimoine culturel et les alliances (en collaboration avec les conseils jeunesse) unissaient leurs efforts pour élaborer des modèles de recrutement fondés sur l’encadrement et le mentorat? Et si l’on élaborait des programmes et que l’on créait des possibilités d’emploi et de stage afin de consolider l’apprentissage et de faciliter l’accès à des stages pour les étudiants de niveau postsecondaire?

Je présente ci-après quelques approches qui pourraient être envisagées afin de cibler les élèves dès de la 6e année, voire plus tôt, et maintenues jusqu’à la fin du secondaire.

Carte d’identification des minéraux de la Nouvelle-Écosse est en cours d’élaboration. Pour élaborer la carte, les jeunes utilisent diverses méthodes pour vérifier la composition de chaque minéral et catégoriser celui-ci en conséquence. Photo — Marlee van den Hoek

Photo — NYC Museum School

Sensibilisation des jeunes à la muséologie, aux rôles dans le domaine et aux différents parcours possibles

Il faut davantage sensibiliser les jeunes aux rôles dans le secteur des musées et aux emplois qui y sont offerts. À cette fin, on pourrait créer un site Web accessible présentant les principales fonctions dans ces institutions, les compétences générales nécessaires, les cours que les jeunes pourraient prendre à l’école secondaire, les programmes d’études offerts (liste des écoles), les futures possibilités d’emploi et les parcours qui permettraient aux jeunes d’y accéder.

Nous devons aussi trouver des moyens de faire en sorte que les enseignants parlent de la muséologie, notamment dans les cours d’art, de littérature et de mathématiques. De fait, il serait possible d’aborder le travail muséal dans bon nombre de volets du programme d’études actuel en amenant les élèves à poser des questions et à faire des recherches. Le but est d’élargir la définition et l’examen de la nature même des musées.

Photo — Sébastien Roy, © Pointe-à-Callière, Cité d’archéologie et d’histoire de Montréal

Pour faire ce type de sensibilisation, il faudrait établir des partenariats et d’autres formes de collaboration entre les établissements d’enseignement (écoles intermédiaires ou secondaires, collèges et universités) et former un réseau d’accompagnateurs et de mentors, entre autres des étudiants en muséologie ainsi que des membres de conseils jeunesse.

Il importe également de comprendre qu’il ne s’agit pas d’un plan d’action à court terme. On devrait voir cette démarche comme un essai clinique, ce qui prend parfois des années – mentionnons la collecte d’information sur les écoles offrant un programme d’études muséales, une réflexion des responsables des programmes éducatifs des musées en vue de la mise en correspondance des programmes d’études des écoles intermédiaires et des domaines où il serait possible d’ancrer certaines de ces questions, l’élaboration de processus ou la recherche de musées prêts à intégrer cette approche à leur plan stratégique.

Des modèles de réussite inspirants

Lorsque j’ai amorcé ma recherche, je trouvais peu de programmes répondant à toutes mes aspirations. Je suis reconnaissante envers Michelle Moon, des Saltworks Interpretive Services, et Irina Mihalache, professeure agrégée au programme d’études muséales à l’Université de Toronto, qui m’ont fait connaître de formidables ressources. Voici quelques exemples de programmes étoffés qui témoignent de la capacité des musées d’inciter les jeunes à envisager de faire carrière dans le secteur muséal.

Native Youth Program

Le Native Youth Program (1978), qui s’adresse aux jeunes Autochtones vivant en milieu urbain, est offert pendant l’été au Musée d’anthropologie de l’Université de la Colombie-Britannique. Il s’agit du plus ancien programme encore en activité qui s’adresse aux jeunes Autochtones. « Le but est de former de jeunes leaders autochtones, d’offrir aux jeunes Autochtones une orientation et un mentorat véritables, d’améliorer les possibilités d’emploi qui leur sont offertes… et d’aider le public à comprendre la diversité et la richesse des cultures autochtones au sein de la communauté universitaire. »

Nous Sommes Montréal

Le projet éducatif et culturel Nous sommes Montréal (2018), réalisé à Pointe-à-Callière, explore l’éducation muséale, la médiation culturelle et l’action citoyenne du Musée en partenariat avec une école secondaire. Les élèves ont créé des récits et des projets faisant le lien entre leur propre vécu et les divers récits de Montréal.

NYC Museum School

La NYC Museum School, située à New York (1994), offre une formation collégiale reposant sur une approche fondée sur des projets adoptée par des écoles secondaires progressistes. Cette approche fait appel au Museum Learning ProcessMC (MLP), processus qui imite les stratégies de pensée critique axées sur la découverte s’inspirant du travail de professionnels muséaux. Grâce à l’appui de partenaires comme le Metropolitan Museum of Art, le Musée de la Ville de New York, la Japan Society et le Musée d’art Rubin, les étudiants ont accès aux riches ressources des principales institutions historiques, artistiques, scientifiques et culturelles de la ville de New York.

Museum Explorers

Museum Explorers (1995) est un programme mené dans des écoles secondaires par le Musée d’art de Newark, au New Jersey. Financé en partie par la Ville et par des donateurs, « Explorers est un programme de préparation aux études collégiales, à la carrière et à la vie personnelle qui permet aux élèves de la région de Newark d’acquérir des compétences essentielles et d’améliorer leur confiance en soi grâce à des cours qui reposent sur les collections uniques du musée, ses ressources et son personnel. Tous les ans, plus de 40 élèves issus de divers milieux explorent leurs passions, leurs points forts et leurs compétences tout en recevant une rémunération. Les participants font des stages à tour de rôle dans différents services du musée et dirigent des projets conçus par des élèves pour acquérir une expérience concrète dans différents domaines. »

Artlink

Artlinkau The Peabody Essex Museum (PEM), Salem (Massachusetts). Le programme de partenariat communautaire ArtLink, du Peabody Essex Museum (PEM) situé à Salem (Massachusetts), est pleinement subventionné en vertu d’un programme parascolaire s’adressant aux élèves de la maternelle à la 12e année. « Les participants peuvent découvrir une série d’expositions et produire des créations artistiques connexes. Ces expériences enrichissantes, habituellement d’une durée de 90 minutes, sont offertes du mardi au vendredi. Le contenu des visites porte sur des thèmes élaborés avant le début de l’année scolaire en partenariat avec le développeur d’apprentissage en ligne du PEM et l’organisme communautaire. »

Mise à profit des structures en place

Les musées peuvent aussi offrir des espaces sûrs aux élèves. Nombre de ces institutions ont exploré de nouvelles approches d’apprentissage et créé des espaces à cette fin. Des espaces propices aux interactions sous diverses formes, structurées ou non. Les élèves devraient être libres de « se salir », de participer, de réfléchir et de faire des découvertes de façon autonome.

Les musées désireux de mettre sur pied ce type de programmes, mais ne disposant pas de l’espace voulu sur place, pourraient envisager de collaborer avec des écoles pour créer des musées mobiles et amener le musée dans les écoles. Ils pourraient aussi travailler avec des bibliothèques et des centres communautaires de différentes manières, par exemple en organisant des expositions ou des installations temporaires afin de tenir des discussions et des séances d’apprentissage.

Évaluation des besoins des futurs étudiants

Les groupes non représentés s’intéressent aux études muséales, mais sont exclus d’emblée. Des sondages ou des discussions de groupe pourraient-ils contribuer à la sensibilisation et à la clarté? Qu’est-ce que les personnes noires, autochtones et racisées aiment? De quel soutien ont-elles besoin et, surtout, de quelles connaissances a-t-on besoin pour les aider dans leur parcours?

Il faut faire davantage pour mieux connaître les besoins des étudiants noirs, autochtones et racisés, savoir qui ils sont et ce qui les intéresse ou non et ce qu’ils aimeraient voir. M

Ozoz Sokoh est une exploratrice d’aliments nigériens et jeune profes-sionnelle muséale qui documente la culture, l’histoire et le patrimoine alimentaires de l’Afrique de l’Ouest.

Blogue — Kitchen Butterfly (https://www.kitchenbutterfly.com/)
Site Web — Feast Afrique (https://www.feastafrique.com/), qui comprend une bibliothèque numérique en libre accès (https://www.feastafrique.com/digital-library)*.

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