La réalité des professionnels émergents des musées à l’Île-du-Prince-Édouard

Johanne Vigneault

Lorsqu’ils entendent l’expression « professionnels émergents des musées », bien des gens s’imaginent des personnes dans la vingtaine. Or, l’âge n’entre pas toujours en ligne de compte. D’après moi, le terme « émergent » renvoie au caractère nouveau de l’emploi. Une personne peut être considérée comme un professionnel émergent plus d’une fois au cours de sa carrière si elle change de poste, de type d’institution ou de région. En réalité, ce terme est toutefois utilisé le plus souvent pour désigner les professionnels qui comptent moins de cinq ans d’expérience dans le secteur des musées.

On constate une forte présence de professionnels émergents à l’Île-du-Prince-Édouard en raison de la nature saisonnière de la plupart des musées, dont bon nombre ne sont pas toujours en mesure de réembaucher les mêmes personnes d’une année à l’autre. Le budget limité de certains musées et sites patrimoniaux ne leur permet pas d’avoir un employé toute l’année, si bien que les membres du conseil d’administration et les bénévoles prennent la relève pendant les périodes de fermeture au public. Le taux de roulement élevé offre de nombreuses possibilités aux professionnels émergents chaque été, mais il ne crée malheureusement pas de nombreux postes permanents à long terme. La perspective de se retrouver au chômage ou d’avoir à chercher un autre emploi pour les mois d’hiver où le musée est fermé a un effet dissuasif sur de nombreux professionnels, en particulier ceux qui souhaitent fonder une famille ou acheter une maison. Ces projets exigent une bonne situation financière.

Par ailleurs, il y a des employés permanents qui travaillent toute l’année. Ils commencent à vieillir et certains d’entre eux envisagent de partir à la retraite dans un proche avenir, ce qui libérera des postes pour les professionnels émergents des musées. Au cours de la dernière année, on a observé beaucoup de changements au sein du personnel du Musée de l’Île-du-Prince-Édouard et de celui de la Fondation du patrimoine, qui administre la collection muséale et les sept sites de la province. Non seulement on a embauché de nouveaux employés, mais aussi d’anciens employés ont changé de poste.

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Les restrictions liées à la COVID-19 ont fait ressortir l’importance pour les institutions d’assurer une présence virtuelle. Cette situation entraîne la création de nouveaux postes ou l’ajout de nouvelles tâches aux descriptions de poste d’employés actuels, ce qui accroît les possibilités offertes aux professionnels émergents d’occuper un poste axé sur les technologies numériques ou d’élargir leurs compétences pour participer à des projets virtuels.

Les universités et les collèges les plus proches de l’Île-du-Prince-Édouard qui offrent des programmes d’études muséales se trouvent au Québec (établissements qui s’adressent aux francophones) et en Ontario. Or, tout le monde n’est pas disposé à s’éloigner autant de l’île, ou n’est pas en mesure de le faire, pour entreprendre des études dans le domaine. Par conséquent, bien des personnes possédant un diplôme dans un autre domaine, par exemple en histoire, travaillent actuellement dans les musées et les sites patrimoniaux de l’Île-du-Prince-Édouard. Les employés n’ont pas tous un bagage en muséologie au moment de leur embauche, mais les professionnels émergents apprennent beaucoup en cours d’emploi grâce au jumelage ou au mentorat.

À l’heure actuelle, l’Association des musées communautaires de l’Île-du-Prince-Édouard est la seule organisation de la province à offrir des ateliers de perfectionnement professionnel portant sur les pratiques muséologiques. L’un des principaux objectifs de notre organisme consiste à faciliter la communication et la collaboration entre ses membres et avec d’autres organismes voués au patrimoine. Les possibilités de réseautage constituent un élément essentiel de ses activités, d’autant plus que le réseautage entre des professionnels qui nouent des relations et échangent leurs expériences constitue un canal naturel pour l’apprentissage.

L’Île-du-Prince-Édouard compte un peu plus de 160 000 habitants. Avec une population aussi restreinte, il n’est pas toujours facile de pourvoir les emplois dans les musées. Bon nombre de nouveaux arrivants dans la région ne manifestent aucun intérêt pour ces postes, car la plupart des musées et des sites patrimoniaux de la province ne reflètent ni leur histoire ni leur patrimoine. L’Association des musées communautaires de l’Île-du-Prince-Édouard s’efforce d’aider les institutions à établir de nouveaux partenariats pour combler ces lacunes. Nos musées et nos sites patrimoniaux se renforceront en bénéficiant de points de vue plus diversifiés dans leur offre et au sein de leur équipe.

Il n’est pas toujours facile d’être un professionnel émergent dans un musée, mais mon expérience m’a appris que les gens qui œuvrent dans notre domaine sont passionnés et qu’ils adorent partager leurs connaissances et leur expertise! N’hésitez pas à leur tendre la main : on ne sait jamais ce qui pourrait arriver.

Johanne Vigneault, directrice générale de l’Association des musées communautaires de l’Île-du-Prince-Édouard depuis 2019, a été professionnelle émergente à quelques reprises au cours de sa carrière. M

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